22/01/2014

Elsa la Reine des neiges est enfin libre.

Aujourd'hui, je vais vous montrer que je peux vous déblatérer énormément de texte à partir de trois minutes de vidéo Disney : c'est tout simplement ce qu'on appelle une analyse.


"La Reine des neiges" est une adaptation d'un conte du même nom de Hans Christian Andersen. C'est un film que j'ai trouvé plutôt sympa, même si l'élément qui le met en valeur est vraiment Elsa, la soeur d'Anna, qui en plus d'avoir la classe a une personnalité très complexe et un pouvoir qui déchire tout : elle peut contrôler la neige et la glace.


Mais le synopsis du film fait qu'on ne la voit pas tant que ça. *désespoir*
Son apparition phare se fait sous la forme d'un clip nommé "Let it go" qui est tellement réussi qu'il raconte une histoire à lui tout seul. Une histoire dans une histoire qui nous vaut une très belle histoireception.

Donc qu'attendez-vous pour le regarder avant de poursuivre votre lecture ?


Voici le lien du clip et les paroles.





Résumé de ce que vient de vivre Elsa :
Après avoir effrayé involontairement la foule et révélé aux yeux de tous les pouvoirs qu'elle ne parvient pas à maîtriser, Elsa d'Arandelle s'enfuit du royaume dont elle est la nouvelle reine afin d'éviter de blesser quelqu'un. Elle s'exile donc dans les montagnes enneigées.




1 - Perdue dans son élément (0:00 à 0:42)


Dès les premières secondes, le décor est planté : la fuite d'Elsa l'a emmenée au milieu des pics enneigés, qui apparaissent en tant qu'environnement hostile, rude et isolé, mais qui est également le lieu où la neige est omniprésente. Le plan large jusqu'au zoom de la reine congédiée montre son insignifiance et sa vulnérabilité face à ce milieu... Qu'elle est supposé contrôler.
Tout est sombre dans cette première scène : comme la robe d'Elsa, les montagnes ne sont constituées que de dégradés de bleu foncé (en même temps, il fait nuit) ce qui rend le décor un peu "inquiétant".
Elsa avance à tâtons et découvre avec crainte son nouvel élément. Elle a le regard fuyant, le bout du nez rouge, semble être perdue et a froid, ce qui fait que son chant est presque un chuchotement, comme si elle avait peur de déranger ou d'être vue. Avec ses cheveux tirés en arrière et sa posture légèrement voûtée, elle a l'air d'être faible et hésitante, avançant avec peine dans l'épaisse couche de neige. Comme elle n'a aucun contrôle sur ses capacités, elle se contente de subir les aléas de la météo et ne cherche pas à les surmonter ou les comprendre.

En fait, elle est simplement un reflet des pensées des villageois qui viennent de découvrir son étonnant pouvoir : du coup, elle a peur d'elle-même et se demande pourquoi elle est différente.

Elle se voit comme une incomprise et capitule puisque malgré ses efforts de dissimulation, tout le monde est au courant. Donc...







2 - Découverte de ses pouvoirs (0:43 à 1:28)


... Donc de toute façon il ne reste plus qu'à se laisser aller. Faire le point sur son passé l'énerve et la pousse à vouloir s'exprimer. Les reproches de ses parents, qu'elle a subi pendant son enfance, lui donnent une envie de rébellion, un peu comme si elle ne vivait sa crise d'ado que maintenant. Lors de cette scène, les expressions faciales de la jeune femme s'accentuent, elle accélère le pas, on a tout pour nous montrer que parler de ce qu'elle a vécu, ça la saoule. Alors elle se libère de ce fardeau par un premier signe symbolique : elle retire son gant.
Même si ça paraît totalement insignifiant, ces quelques secondes où le gant s'envole sont bien travaillées. En dehors du fait que ça signifie qu'elle veut contrôler son destin au lieu de suivre bêtement la lignée royale, et donc qu'elle ne veut plus de son statut de reine, le choix du plan a aussi un sens. La profondeur de cette scène est due à l'écart qu'il y a entre Elsa et son gant, celui-ci s'envole et disparaît en hors-champ en étant emporté par le blizzard, sous entendu : par ses pouvoirs. Ils servent à balayer le passé, et donc les prises de tête inutiles.


Maintenant qu'elle s'est débarrassé de l'objet de ses soucis et qu'elle a les deux mains "libres", elle peut enfin s'exercer. Et avec le sourire ! Il est mis en valeur par le fait que la lumière que libère ses pouvoirs accentue les couleurs, et que les flocons qu'elle créé sont près de son visage. Même si ça la rend heureuse d'être libre, elle ne cherche pas à créer des trucs de fou tout de suite. Elle fait des petits flocons et des petits machins, mais ça reste près d'elle.

Point intéressant à noter : la première chose "concrète" qu'elle fabrique est Olaf, le bonhomme de neige de son enfance, qui est aussi un rapport direct à sa soeur Anna. Donc même si elle prétend oublier entièrement son entourage, qu'elle est libre, indépendante et tout, inconsciemment, son lien avec sa soeur est non seulement une priorité, mais il est aussi fort et surtout inconscient (car plus tard dans le film elle avouera ne pas se souvenir de l'avoir créé).


Autre point intéressant à noter : On retrouve exactement le même plan qu'avec le gant de tout à l'heure. Cette fois-ci, la mise en abîme est faite grâce aux traînées de neige qui sont directement reliées aux mains d'Elsa. Contrairement à avant, ici la profondeur ne reflète pas un écart. Elle représente l'étendue de ses pouvoirs qui est de plus en plus conséquente.

(Même si on y fait pas trop gaffe, Elsa, pendant qu'elle continue de chanter, fait un mouvement de bras pour annuler la magie de ce qu'elle vient de faire. Ça a pour conséquences de faire retomber sur elle la neige qu'elle vient de créer. Enfin je vous précise ça juste pour mettre en parallèle avec un dessinateur qui, par exemple, froisserait une feuille de papier car ce qu'il faisait n'était qu'un test, un brouillon. En gros elle est impatiente de voir ce qu'elle peut faire et ne prend pas le temps de finir ce qu'elle a commencé. Voilà. J'ai beaucoup parlé pour rien dans cette parenthèse.)

Maintenant que ses pouvoirs se sont étendus sur la hauteur, ils s'étendent sur la largeur. Avec plus d'assurance et par le biais d'un grand geste, elle "balaie"  avec ses pouvoirs l'avis des gens qui osent porter un jugement sur elle désormais ("I don't care what they're going to say").
Son indifférence aux autres est marquée par un autre symbole : alors que sa grande cape violette et épaisse (signe royal) volait au vent et la tirait en arrière, d'un sourire satisfait, elle décide de s'en débarrasser. L'objet est rapidement emporté au loin par le blizzard en traversant la largeur de l'écran. Cette fois-ci, Elsa ne jette qu'un bref coup d'oeil derrière elle et ne prend pas le temps d'attarder son regard sur l'éloignement de son ancienne vie. Elle surmonte les obstacles du passé avec beaucoup plus d'aisance que dans la première partie de la chanson.







3 - Test de ses capacités et accès à la liberté (1:29 à 2:10)


La scène commence avec une remise dans le contexte par le biais d'un plan large : Elsa avance vers un énorme fossé qui la sépare de l'endroit où elle souhaite aller.
Avec une sorte d’opposition des plans, on passe directement d'une vue sur un grand décor à un gros plan sur son visage. On comprend alors que le choix de sa destinée se fait maintenant et que tout est dans le regard : tandis qu'elle éprouve de l'admiration et un certain goût de l'aventure pour ce qui l'attend, c'est avec une certaine nostalgie qu'elle regarde les montagnes derrière elles, celles qui cachent son royaume. On devine assez facilement la voie qu'elle a choisi puisqu'elle court vers le fossé qui représente l’ultime étape pour accéder à la maîtrise totale de ses pouvoirs : il faut qu'elle fasse preuve de créativité et qu'elle ait confiance en elle et ses capacités pour littéralement passer au dessus de cet obstacle.


Elle commence alors à créer un début d'escalier en glace. Plutôt imposant et plein de stalactites et stalagmites, on a l'impression qu'il a "rouillé" avec le temps. Elsa comprend alors que pour contrôler totalement son pouvoir de glace, un contact direct avec ce qu'elle créé est nécessaire, et que pour traverser le fossé elle n'a pas d'autre choix que de faire confiance à ses pouvoirs. Au fil de ses pas, l'escalier qui paraissait si "poussiéreux" (je ne sais vraiment pas comment le décrire) se transforme en une sculpture invraisemblablement solide vu sa finesse et sa légèreté apparente.

Dans la scène, on peut également remarquer que pendant qu'elle traverse le fossé, même si les marches sur lesquelles elle se trouve sont lisses, belles, etc, celles sur lesquelles elle n'a pas encore marché restent comme son début d'escalier de tout à l'heure, c'est à dire "poussiéreux" et "grossier". Un contact permanent avec ses créations est donc nécessaire.

Grâce à sa confiance en elle, elle peut maintenant surmonter les plus grands obstacles, quitte à mettre sa vie entre les mains de sa magie (car si elle était tombée à cause d'une fausse manip', on ne l'aurait plus vu du film pour des raisons plutôt évidentes). Maintenant que l'épreuve ultime est passée avec succès, elle a enfin pu poser le pied sur l'autre coté du ravin.







4 - L'émergence du château de glace (2:11 à 2:55)


Après un rapide coup d'oeil autour d'elle, c'est avec un maximum d'assurance et sans même regarder ce qu'elle fait qu'Elsa frappe le sol de son pied afin de vraiment libérer l'étendue de ses pouvoirs. Un gigantesque flocon se dessine alors sur le sol et illumine les alentours. Il est d'ailleurs tellement grand que la caméra est obligé de s'éloigner et prendre de la hauteur pour que nous, spectateurs, puissions voir le motif entier.

Petite note : Avez-vous remarqué que ses premiers essais de magie se faisaient près du visage et des yeux, tandis que maintenant ils se font avec le pied, sans qu'Elsa regarde ce qui se passe autour d'elle ? Elle n'a plus à surveiller ses pouvoirs maintenant qu'il y a une harmonie entre elle et la glace.


Puis vient l'apothéose : d'un geste semblable à si elle avait voulu soulever la terre, elle fait s'élever une immense forteresse de glace face au ravin. Les stalagmites émergent à différentes vitesses de la montagne, le sol qu'elle a créé s'élève et l'emporte avec elle. Maintenant elle n'est plus une simple spectatrice admirative de ses pouvoirs, elle est au coeur de l'action, un peu comme si elle avait fusionné avec son talent.
Après avoir fait les "fondations", le cocon de glace ne tarde pas à se refermer autour d'elle. Les murs et le toit la coupent rapidement du monde extérieur, le ciel étoilé est de moins en moins visible grâce aux plaques de glace qui se forment progressivement ça et là.
Le haut du toit est surmonté par un grand lustre qui est aussi irréel que les escaliers, du au fait qu'il ne tient que par le biais d'un minuscule "fil" de glace. Si on en croit ce qu'elle dit à ce moment-là :

"My soul is spiraling in frozen fractals all around
And one thought crystallizes like an icy blast"

Ce lustre qui paraît si  important (car la caméra s'attarde sur sa création pendant au moins huit secondes -on ne dirait pas mais c'est énorme-) serait en fait une cristallisation de ses pensées. Et celles-ci paraissent bien spécifiques puisque pour un élément qui est censé représenter sa personnalité, il y a beaucoup de relief et de "pics", trahissant une certaine insoumission, voire une complexité de ses sentiments.
En dehors de l'élément qu'elle contrôle, une certaine froideur se ressentirait-elle aussi dans son tempérament ?







5 - Dernier rejet de ses souvenirs (2:56 à 3:13)


Mais il y a un dernier intrus qui n'a pas sa place dans cet univers fraîchement créé. (calembour) Et cet indésirable est à la fois la représentation de son passé et celle de la destinée qu'elle se devait d'attendre depuis son plus jeune âge : être reine d'Arendelle.

L'orchestrale de la musique s'arrête au moment où elle retire la couronne de ses cheveux, soulignant l'importance de la scène. Doit-elle encore revenir sur sa décision, n'est-il pas plus sage de revenir au royaume ? S'ensuivent de la part de la jeune femme un mélange d'émotions qui trahissent sa nouvelle personnalité : passant de la nostalgie, à la colère, puis à l'insolence, la considération de la couronne lui a tout simplement donné envie de jeter allègrement le bout de ferraille hors-champ. L'ancienne Elsa est définitivement morte et enterrée, elle est maintenant indépendante et maître de ses actes. La preuve, tandis que le blizzard était la seule cause de la disparition du gant et de la cape, ici l'acte est totalement volontaire et surtout dynamique : on a même pas le temps de faire nos adieux à la couronne qu'elle a déjà disparu de l'écran.

Maintenant que le poids de la royauté n'est plus un contact direct et physique, rien ne l'empêche de changer de tenue sans se soucier d'un quelconque jugement extérieur : ses cheveux n'ont plus à être serrés dans un chignon, donc hop, séance décoiffage.

Puis vient le changement radical de tenue. Grâce à un simple claquement de doigts, (en plus d'une touche de maquillage), elle se revêt d'un habillement qui est l'exact opposé de ce qu'elle portait jusqu'à maintenant. Tandis qu'elle a erré jusqu'ici avec une robe en tissu épais et aux couleurs sombres, celle-ci fait place à une robe de gala très légère, qui attire l'oeil par son design "boule à facettes". L'épaisseur de ce qu'elle porte nous renseigne également sur son pouvoir : elle ne craint plus du tout le froid.

Avis personnel : Pour avoir un aspect plus "chic" voire "royal", Elsa porte une cape avec des motifs de flocons incrustés dessus. Ici aussi, on remarque un contraste : l'épaisse cape violette emportée par le vent des hautes montagnes pesait sur les épaules et empêchait presque les mouvements, tandis que ce voile transparent accompagne chacun de ses gestes.

Son changement de tenue est un de mes moments préférés car les couleurs de la scène sont vraiment magnifiques...


...Et elle n'est pas sans rappeler la célèbre transformation de la robe de Cendrillon. A ce stade-là, la coïncidence n'est plus permise.

Je n'avais jamais remarqué qu'à la fin de la transformation 
de Cendrillon une auréole se dessinait au-dessus de sa tête.







6 - La nouvelle reine : la Reine des Neiges (3:14 à 3:38)


Plus déterminée que jamais, la personnalité d'Elsa a changé du tout au tout en l'espace d'une nuit de dur labeur physique et psychologique.
Toute l'acceptation d'elle-même passe dans ses pouvoirs, et c'est visible grâce à un habile mouvement de caméra : par une sorte de "redressement", on voit d'abord son reflet dans le sol de glace, puis le bas de son corps nous focalise sur sa démarche sure d'elle et séduisante (elle ondule pas mal des hanches), et enfin l'arrêt sur l'ensemble de son corps est accompagné par de grands gestes traduisant son assurance ; elle est la reine des lieux et elle le sait.

Le jour se lève sur une nouvelle femme. L'aube est le moment idéal pour voir pour la première fois le château dans son intégralité, puisque les rayons de lumière rose et bleu se reflétant sur cet immense stalagmite, semblant être inspiré d'un conte de fées, sont un régal pour nos yeux.


L'endroit choisi pour construire son château n'est pas anodin ; au sens propre comme au sens figuré, elle est au-dessus des opinions des villageois, qui restent cloîtrés et surtout bloqués dans leur village au bord du lac à ruminer leur surprise quant à la fugue de leur reine. Même si je pense que l'élément principal de leur questionnement est le fait qu'une ère glaciaire débute en plein milieu de l'été...

Le dernier plan de caméra du clip est aussi le premier gros plan sur le visage de la nouvelle Elsa.
Maintenant qu'elle a appris à dompter efficacement son talent, il n'a plus aucun effet néfaste sur elle : son comportement et ses postures ne sont plus influencés par le froid mordant, et son visage n'est plus rouge. Je dirais même qu'il est... Blanc comme neige. (calembour n°2) 

Mais l'admiration que l'on éprouve pour sa beauté ne sera que de courte durée car après une phrase résumant son état d'esprit ("The cold never bothered me anyway") qui nous semble adressée, elle ferme l'accès de sa forteresse à nous, spectateur, en considérant qu'on en a assez vu pour aujourd'hui. Allez, circulez, elle a terminé son show.








Conclusion 

Elsa a trouvé le courage de fuir les responsabilités qui envahissaient sa vie en construisant son cocon de solitude, qui s'avère être un magnifique château de glace, par le biais de ses pouvoirs trop longtemps refoulés. Attention, ça ne veut pas dire qu'elle a perdu son statut de reine au fil de la chanson : il s'est juste métamorphosé d'un extrême à l'autre en faisant une transition progressive grâce aux divers éléments qui la reliaient au monde extérieur. En l'espace de trois minutes nous avons pu constater que la femme introvertie et perdue dans les montagnes qu'était Elsa peut se changer en une femme fatale et intrépide. 

Par le biais de cet hymne à la confiance en soi, Disney nous montre que malgré les critiques qu'il subit depuis des années à propos de ses films "sans saveur" et "qui se ressemblent tous", il n'a pas perdu de son talent pour conter des histoires.

Bonus : "Let it go" chanté en 25 langues ICI.

Pour terminer cet article : un fan art qui ne fait qu'effleurer l'engouement que peuvent éprouver certaines personnes pour le couple Elsa / Jack Frost.

(Artiste : Bab119)

Mais c'est vrai qu'ils vont bien ensemble.